Le derby de Séville : rivalité, football et luttes sociales à travers l'histoire

Le Derby de Séville, connu sous le nom d’El Gran Derbi, est l’un des affrontements les plus passionnés et historiques du football espagnol. Ce derby oppose le Sevilla FC au Real Betis Balonpié. De cette rivalité naît une histoire marquée par la politique, la classe sociale et des affrontements qui dépassent le simple cadre sportif.

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Les origines du derby : naissance de deux clubs opposés

Le Séville FC : un club aristocratique et conservateur

Fondé en 1905 par des aristocrates et des membres de la haute société de Séville, le Sevilla FC a rapidement été considéré comme le club des classes supérieures. Avec une direction en grande partie composée d’hommes de la bourgeoisie locale, le club a incarné l’élite sévillane, tant dans son organisation que dans sa philosophie. Cependant, un événement particulier marqua un tournant dans la jeune histoire du club.

La fondation du Betis : une réponse à l'exclusion sociale

En 1909, la direction du Sevilla FC refusa de recruter un joueur issu de la classe populaire, un ouvrier, pour intégrer son équipe. Deux membres du club, choqués par cette attitude élitiste, décidèrent de quitter le Sevilla FC et de fonder un nouveau club : Le Betis Balonpié. Ce club se voulait plus inclusif, un symbole des classes populaires de la ville, en particulier des habitants du quartier d’Heliópolis, contrastant ainsi avec le Sevilla FC et ses racines dans le quartier huppé de Nervión.

Sevilla FC vs Betis : l'origine de la rivalité sociale

Dès sa fondation, le Real Betis devient l’équipe des classes populaires, opposée à l’élitisme du Sevilla FC. Ces divergences sociales ne firent qu’exacerber la tension entre les deux clubs, créant les bases d’une rivalité qui allait devenir l’une des plus intenses du football espagnol.

Les années Franco : un paradoxe sportif

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Sevilla FC sous Franco : une période de prospérité

Sous la dictature de Franco, le Séville FC, représentant les classes riches et la capitale économique, se hissa au sommet du football espagnol. Le club connut une période de prospérité, remportant notamment une Liga en 1946 et deux coupes d’Espagne en 1939 et 1948, se consolidant ainsi comme un acteur majeur du football espagnol. Cette époque fut marquée par un soutien implicite au régime, ce qui renforça son image de club « officiel » et privilégié (source : le journal international). 

Betis Balonpié sous Franco : des années sombres

En revanche, le Betis traversa des années de galère pendant la dictature, notamment après son titre de champion de la Liga en 1935. Sous Franco, les tensions sociales et politiques qui divisaient l’Espagne se retrouvaient également sur le terrain. Le Betis, ancré dans les quartiers populaires, vivait une réalité difficile, luttant souvent pour sa survie en D2, bien loin des succès de son rival. La répression politique et la domination de la droite se répercutaient sur la scène du football, accentuant la fracture entre les deux clubs.

Les rancœurs se renforcent entre Betis et Sevilla FC

Les oppositions de classe et la situation politique difficile créèrent une rivalité de plus en plus intense entre les deux clubs, consolidant l’image du Sevilla FC comme l’équipe des privilégiés et celle du Betis comme le club des travailleurs. Cette distinction sociale se répercutait sur la manière dont chaque équipe était perçue par les fans de la ville, alimentant la haine et la passion dans ce derby unique.

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Les épisodes épiques du derby sévillan : une rivalité sportive et humaine

Les retournements de situation : 1997 et 2000

Le derby de Séville ne se résume pas seulement à un affrontement de style de jeu ou à une guerre de supporters. Il est aussi marqué par des moments où l’enjeu sportif se mêle à des émotions fortes. En 1997, un événement marque un tournant décisif dans l’histoire de cette rivalité. Le Betis, en position de se qualifier pour la Ligue des champions, laisse volontairement Gijón s’imposer sur sa pelouse (1-0), condamnant ainsi son rival Sevilla FC à la relégation en D2. Ce geste résonna comme un coup de poignard pour les supporters du Sevilla FC (source : The Guardian).

Quelques années plus tard, en 2000, c’est le Sevilla FC qui prit une décision similaire. Lors de la dernière journée de la saison 1999-2000, le Sevilla FC laissa volontairement le Real Oviedo gagner sur sa pelouse, envoyant le Betis vers la relégation, dans une manœuvre tactique qui fit beaucoup de bruit (source : The Guardian).

2007 : l’Incident Ramos (entraineur du Sevilla FC)

Un autre épisode mémorable de cette rivalité se produisit en 2007, lors d’un quart de finale de la Copa del Rey entre les deux clubs. Le manager du Séville FC, Juande Ramos, fut frappé à la tête par une bouteille lancée par un fan du Betis alors qu’il célébrait un but de son équipe (voir vidéo ci-dessous). Il a directement perdu connaissance et a été transporté à l’hôpital. L’incident, largement médiatisé, a exacerbé les tensions entre les deux clubs et a illustré la violence et l’intensité de cette rivalité.

Un derby qui dépasse le terrain

Bien plus qu’une simple compétition sportive, El Gran Derbi incarne une lutte de pouvoir et une confrontation de valeurs sociales et politiques. Chaque match est une guerre symbolique entre les classes populaires et aristocratiques, un affrontement qui va au-delà des 90 minutes de jeu, un combat pour l’honneur et la fierté de chaque quartier.