Le foot à Athènes : rivalités sportives, tensions sociales et idéologies politiques
Les derbies d’Athènes entre l’Olympiacos, le Panathinaïkos et l’AEK ne sont pas simplement des événements sportifs, mais des expressions complexes de rivalités sociales, politiques et idéologiques. Les derbies athéniens ne sont pas seulement l’affrontement d’équipes, ils sont également le miroir de la société grecque, marquée par des fractures sociales et politiques plus profondes. Les ultras de chaque club incarnent des idéologies et des valeurs politiques distinctes qui, au fil des années, ont contribué à transformer ces matchs en véritables scènes de contestation sociale et politique. Dans cet article nous allons nous intéresser au « Big Three » : Olympiacos, Panathinaïkos et l’AEK

Les tensions sociales et politiques dans les derbies d’Athènes
AEK : Une identité de résistance et d’antifascisme
L’AEK a une identité particulière, marquée par son histoire de réfugiés grecs forcés à fuir la Turquie après la guerre gréco-turque de 1922. Un petit groupe d’entre eux, réunis dans la rue Veranzerou, dans le centre d’Athènes, fondera le club en 1924 (Footballski). Ce passé nourrit une culture du club profondément ancrée dans l’opposition aux régimes autoritaires et à l’extrême droite. Les ultras de l’AEK, représentés par le groupe Original 21, se définissent par des valeurs antifascistes, progressistes et solidaires envers les migrants et les opprimés. Leur lien avec des mouvements de gauche est fort et se traduit par une opposition systématique aux idées de l’extrême droite.
Panathinaïkos : L’extrême droite et le nationalisme
À l’opposé, les ultras du Panathinaïkos, représentés par la Gate 13, sont souvent associés à des valeurs nationalistes et conservatrices. Historiquement, certains groupes ultras du Panathinaïkos ont entretenu des liens avec des partis politiques d’extrême droite ou des mouvements nationalistes grecs. Ils sont aussi des défenseurs de la culture et de l’identité grecques, dans un contexte de crise économique où le nationalisme est parfois vu comme une réponse aux influences extérieures, notamment européennes.
Les matchs de derby contre l’AEK, par exemple, deviennent des batailles idéologiques, un combat pour affirmer la supériorité de la nation grecque contre les forces qu’ils considèrent comme étrangères. La Gate 13 entretient une relation amicale avec les Bad Blue Boys du Dinamo Zagreb qui revendique des idées nationalistes et fascistes. Une violente rixe a d’ailleurs éclaté en 2023, Michalis Katsouris supporter de l’AEK a trouvé la mort après s’être fait poignardé au pied du stade suite à la venue des Bad Blue Boys lors d’un match européen. Une enquête est toujours en cours pour déterminer les circonstances exactes de ce meurtre (StreetPress).
De nombreuses heurts dans et en dehors des stades de foot
Les rivalités athéniennes ne se limitent pas aux stades mais débordent aussi souvent dans la rue. Les matchs entre ces trois clubs deviennent des moments où les idéologies de chaque groupe s’affrontent dans une dynamique qui va bien au-delà du sport. Ces tensions idéologiques se manifestent par des chants politiques, des banderoles avec des messages de contestation sociale et parfois même des scènes de violence. Dans les tribunes, la politique et le sport s’entrelacent, et la victoire sportive devient parfois un moyen d’affirmer son idéologie et sa supériorité.
Les différentes crises et tensions avec les autorités qui impactent le foot

La crise de 2008 : l’inaccessibilité du football pour les classes populaires
L’un des effets directs de la crise a été l’augmentation des coûts liés au football. Les billets de match, les abonnements et les produits dérivés sont devenus de plus en plus chers, ce qui a exclu de nombreux supporters des stades. Loin de se contenter d’une simple frustration économique, certains ultras ont vu dans cette évolution une tentative délibérée d’exclure les classes populaires du football, un sport devenu un produit de consommation réservé aux plus riches.
Les supporters ont alors redoublé de critiques contre les dirigeants de leurs clubs, perçus comme des représentants d’une élite politique et économique indifférente aux besoins des supporters. Cette situation a accentué la fracture entre les fans et les institutions du football, alimentant la colère et le ressentiment.
Tensions entre supporters grecs et autorités face au contrôle d'identité dans le sport
En 2024, le gouvernement grec a lancé une application mobile pour faciliter le contrôle d’identité des spectateurs lors des rencontres sportives à Athènes. Cette application oblige les supporters à télécharger leur pièce d’identité et leur billet en format électronique, simplifiant ainsi l’accès aux stades. Cependant, cette initiative n’a pas manqué de susciter des tensions.
Les supporters dénoncent une surveillance excessive et l’atteinte à leur vie privée, arguant que cette technologie permettrait une collecte de données trop intrusive. En réponse, les autorités assurent que l’application est sécurisée et vise uniquement à améliorer la sécurité dans les stades, notamment pour identifier les fauteurs de troubles au vu des nombreuses violences ces dernières années lors de rencontre sportive. De plus, quelques mois auparavant, davantage de caméras avaient été installés dans les enceintes sportives pour permettre d’identifier au mieux les fauteurs de troubles.

Une ferveur qui règne toujours au sein du football grec
Le football grec continue de vibrer grâce à des ambiances incroyables dans des stades comme ceux de l’Olympiacos, de l’AEK Athènes et du Panathinaïkos.
L’Olympiacos, après sa victoire historique en Conference League en 2023, reste un phare du football national, avec une base de supporters passionnés créant une atmosphère inoubliable à chaque match au stade Karaiskakis.
Le Panathinaïkos, rival historique, génère également une ferveur immense, surtout lors des derbies contre l’Olympiacos, où l’intensité des chants et des tifos fait monter la température. On peut d’ailleurs regretter que le club ait délaissé pour la saison 2024/2025 son stade historique Apostolos Nikolaidis et ses 16 000 places pour le stade Olympique OAKA de 70 000 places.
L’AEK, reste un top club en termes d’ambiance dans sa nouvelle enceinte « Agia Sophia », inaugurée en 2022. Le stade reste toujours plein et la passion l’est tout autant.
Les supporters permettent de maintenir vivante la flamme du football en Grèce, prouvant que malgré les crises, la passion reste intacte dans le cœur des supporters grecs.